À l'origine, le bâtiment constituant l'institut était une villa construite en 1872 par un jeune noble, Melchior de Parèze. Son but initial était de l'accueillir avec sa famille lors des vacances d'été ; ils y passaient alors un mois et demi au calme, loin de l'ardeur trépignante de la ville. La villa était assez grande pour que sa famille, ses amis et son personnel puisse y vivre. On y trouvat de nombreux salons et salles de détente. Sur le reste du domaine, on y trouvait de somptueux jardins, idéaux pour passer l'après-midi quand il faisait beau. La villa respirait le luxe et l'opulence ; elle semblait avoir de beaux jours devant elle.
Malheureusement, en 1905, M. de Parèze mourut sans héritier. Conformément à ses souhaits, la villa fut donnée à son cousin, Albin de Sivrande. Ledit cousin possédant déjà sa propre villa, il n'en eut aucune utilité. Durant cette période, la villa sombra à l'abandon. Plus personne n'était embauché afin de maintenir la villa dans un état convenable. Elle finit même par être oublié par M. de Sivrande. À sa mort, son fils, Georges de Sivrande, en hérita. Lui non plus ne fit aucun effort pour la villa, la considérant plutôt comme une vieille bicoque sans intérêt.

La maison fut épargnée par la Première Guerre Mondiale : aucun obus ne tomba à proximité de la villa, aucun combat n'eut lieu près d'elle, sans doute parce que la végétation ayant repris ses droits, elle commençait à être méconnaissable.
Ce ne fut pas le cas lors de la Seconde Guerre Mondiale. Geroges de Sivrande en était alors le propriétaire. La maison fut en partie détruite par les explosions et la végétation qui l'entourait fut énormément abîmée. Après la guerre, ce fut l'heure de la redécouverte. En 1945, Arnaud Lepoulet, honnête marchand d'une ville voisine, passait par là, découvrit la villa. Malgré les dégâts, un charme certain s'en ressentait. En bon marchand, M. Lepoulet calcula les bénéfices qu'il pourrait avoir en remettant à neuf cette villa. L'idée lui sembla parfaite. Il entama alors des recherches pour retrouver le propriétaire, le trouva, entama des négociations avec lui et acheta la villa en début 1946. Au milieu de l'année, les travaux de rénovation recommencèrent.
Durant les quatre ans que durèrent les travaux, M. Lepoulet eut le temps de réfléchir. De ces balades dans d'autres villes, un constat se fit à lui : la France avait besoin d'aide pour se relever de la Seconde Guerre Mondiale. C'était difficile à faire lorsqu'on était un particulier. M. Lepoulet songea alors que c'était aux gens qu'il fallait rendre service. Une idée germa dans sa tête, qu'il peaufina pendant les travaux.

L'idée d'Arnaud Lepoulet était simple : de nombreuses familles souffraient parce qu'elles étaient trop nombreuses ou parce qu'elles possédaient quelqu'un représentant un poids quelconque pour eux. Afin de leur venir en aide, M. Lepoulet instaura l'Institut. Ce nom peu révélateur cachait une sorte de pension où les familles les plus pauvres y inscrivaient leurs adolescents de 15 à 17 ans afin qu'ils soient pris en charge par M. Lepoulet. L'Institut était totalement légal, ce qui fit qu'il fut un véritable succès. À 18 ans, les jeunes gens quittaient l'Institut afin d'aller vivre par leurs propres moyens.
L'institut fut inauguré en 1950. Régis Lepoulet avait alors 7 ans.

L'Institut fonctionna ainsi jusqu'en 1961, date de décès du fondateur, Arnaud Lepoulet. Son fils, Régis Lepoulet, hérita des fonctions de directeur alors qu'il n'avait que 18 ans. Régis avait vécu une bonne partie de sa vie avec les pensionnaires de l'Institut, mais il connaissait bien le monde extérieur et ses besoins. Téméraire de par sa jeunesse, c'était l'heure pour lui de pervertir le travail de son père.
Régis renvoya tous les pensionnaires chez eux, au grand dam de leur famille qui ne purent rien faire. Il entreprit de rédiger un nouveau règlement, encore en place à l'heure actuelle. Les familles qui souhaitent se débarasser définitivement d'un adolescent de 15 à 17 ans l'envoient dans l'institut. Tant qu'ils sont mineurs, ils sont encore soumis à l'opinion de leurs responsables légaux. Néanmoins, le nouvel Institut ne prévoit de les renvoyer chez eux une fois majeur : ils resteront dans l'Institut jusqu'à ce qu'ils y meurent. Aucune exception.
Cette nouvelle formule amena un nouveau type de clientèle. De nouveaux pensionnaires moins agréables investirent les lieux. En premier lieu, les autorités s'insurgèrent contre le principe de l'Institut, mais découvrant bien vite l'utilité qu'il représentait, elles soutinrent et cachèrent l'Institut au grand public. C'était désormais un secret bien caché avec une mécanique bien huilée.

Nous sommes en 1999. Régis Lepoulet, 56 ans, occupe toujours le poste de directeur.
La situation s'est empirée depuis 1961. La violence en particulier s'est accrue à cause de la population délinquante qui s'y est établie. L'établissement semble quelque peu à l'abandon, et ce malgré les efforts du Personnel et des pensionnaires pour le garder en état. Des personnes de tout âge se fréquentent dans ces locaux. Ceux qui sont là depuis longtemps deviennent parfois fous. Désormais, certains motifs justifiant l'entrée dans l'Institut semble complètement farfelus ; mais le Directeur les accepte quand même.
Les pensionnaires cohabitent comme ils peuvent. Certains deviennent des gardes : ils ont pour charge de surveiller les autres, mais n'hésitent pas à engendrer le chaos quand ils peuvent. D'autres font partie du Personnel : ils occupent un poste particulier comme secrétaire, cusinier ou bibliothécaires.. Leur travail est censé contribuer au bon entretien des locaux, mais ils sont inefficaces et n'hésitent pas à refiler leurs corvées aux autres pensionnaires. Le Directeur continue à être fourbe. Il utilise les pensionnaires pour cultiver des champs de pommes de terre qu'il revend ensuite à prix d'or. C'est parfaitement illégal, mais on ne remplace pas la main d'œuvre gratuite.
L'ambiance est toujours ainsi. Terne et violente. C'est désormais le quotidien de ces gens dont la faute est d'être imparfaits.